PRASSINOS (M.)

PRASSINOS (M.)
PRASSINOS (M.)

Mario PRASSINOS 1916-1985

Comme tant d’autres artistes qui ont illustré l’école de Paris, Mario Prassinos est d’abord un immigré. Né à Constantinople en 1916, il fut chassé par Ataturk, comme tous les Grecs de Turquie en 1922, et vint en France avec sa sœur Gisèle.Après le lycée Condorcet, les «Langues O». C’est par Gisèle, sans doute, dont les premiers poèmes sont publiés dès 1934 (elle a quatorze ans) dans Document et dans Minotaure , qu’il entre en contact avec les surréalistes. Il va aux réunions du café de la Place Blanche et ne perd rien de la leçon de «l’automatisme pur», qui est déjà, cependant, pour les amis d’André Breton, quelque peu dépassé.

Les premières œuvres de Prassinos sont des illustrations pour sa sœur, chez Guy Lévis Mano (1934). Il se cherche, à la frontière du spontanéisme lyrique et de l’analyse figurative, où il rejoint Picasso, Masson et Dali, avec qui il expose en 1937, à L’Art cruel. Ses peintures d’alors, comme La Bataille de Fontenoy (1937) ou Guerrier grenouille (1938), mélangent des influences expressionnistes, cubistes et surréalisantes. Il faudra attendre le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour que Prassinos oublie tout et se concentre sur son style personnel.

Pour l’instant, revenu de la drôle de guerre, où il fut engagé volontaire, blessé et décoré, il s’installe 18, villa Seurat, où vécurent Soutine, Artaud, Henry Miller. Sa rencontre avec Queneau l’introduit dans les salons de Gallimard. Il y côtoie le tout-Paris littéraire et artistique de cette époque, mais Paulhan, maître à penser des peintres de la maison, lui préfère Fautrier et les futurs informels.

Prassinos tentera-t-il, après la rencontre de Magnelli, en 1947, quelque aventure du côté de l’abstraction? Telle n’est pas sa voie. La réalité des choses l’a toujours retenu. Il ne se rapproche ni de Bazaine, ni de Wols, ni de Dubuffet, alors à la mode à Paris. Il va fuir la ville. Sa série Les Troupeaux date de 1949, année où il obtient la nationalité française: il se met aux tapisseries qui le rendront célèbre et dont les premières sont exposées lors d’un des cocktails Gallimard. En 1951, il s’installe à Eygalières, au pied des Alpilles, paysage qu’il ne quittera plus guère, comme s’il était retourné à quelque source méridionale. Son œuvre, alors, se développe: dessins, illustrations, décors de théâtre, notamment pour le Macbeth de Vilar, à Avignon, en 1954. Il séjourne en Grèce longuement en 1958. Ses dessins à l’encre s’emparent déjà du thème des arbres, mélanges de lignes jouant sur les pleins et les déliés, avec des foisonnements pointillistes, qui aboutiront au Meltem (1959, huile sur toile, 260 cm 憐 190 cm) et déboucheront sur la fameuse série des portraits de Bessie Smith, puis de son grand-père Prétextat.

C’est au cours d’une longue maladie, en 1970, qu’il écrit un texte sur Les Prétextats , et l’influence de son ami Queneau n’est pas étrangère à ses variations verbales sur les Proprotextats et les Pèretextats . Notons que Prassinos, qui avait fait des études à la faculté des lettres de Paris, et non à l’École nationale des beaux-arts, fut écrivain en même temps que peintre, comme le prouvent L’Enfant grec dans un paysage turc et La Colline tatouée (Grasset, 1983). Sur le plan des arts plastiques, la notoriété est venue avec la pleine maîtrise. Ses expositions successives à la galerie de France, ses cartons de tapisserie, ses décors et, surtout, sa série d’encres-sur-papier, Colline à Eygalières (1976), manifestent la permanence de sa vision, à la fois aiguë et sensuelle, de la nature végétale, et l’épanouissement de sa stylistique personnelle, très curieusement proche de l’Art nouveau. À tel point que, si l’on devait trouver une ascendance à un peintre comme Prassinos, on pourrait la voir dans les paysages et les arbres de Gustav Klimt. Cette stylistique, intégrant au pointillisme les effets de coulures et le dripping de Pollock, ira vers une sorte de somptuosité diffuse dans les grandes toiles qui marquent l’apogée de l’œuvre de Prassinos: Prétextat (1968), Père éternel (1973), Vue d’Eygalières (1975), la série de ses grandes toiles forestières de 1978-1980, La Ravine (1981) ou Soleil couchant (1982). Qu’on ne s’y trompe pas: la banalité de ces titres figuratifs n’indique que leur peu d’importance. Comme de nombreux artistes du XXe siècle, Prassinos part d’un choc émotionnel reçu de l’objet extérieur: les Alpilles, Bessie Smith chantant le blues, l’agitation des arbres dans le mistral. Mais, aussitôt, il échappe à la sujétion du réel; il accède à une intériorité qui est celle de l’œuvre même, où l’autonomie du pictural tire, de sa distance avec l’image, sa force poétique. Et, ce que le poétique nous donne alors à voir (pour reprendre les termes de Klee ou d’Eluard), ce ne sont pas les collines d’Eygalières qui, toutes belles qu’elles soient, n’ont rien de plus étonnant que tant d’autres collines, ni les sentiments de Prassinos, qui était un homme comme les autres, c’est l’univers pictural singulier qu’il a su créer, et qui rayonne par sa seule présence.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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